MARIONNETTE, MODE D’EMPLOI

La pédagogie de Jean Claude Leportier

Des circassiens qui avaient déjà utilisé des marionnette dans un de leur spectacle ( » La monstrueuse parade « *) sont venu participer à mes stages parce quils manquaient de mots pour en parler.

   Avoir des mots pour parler du langage, de son acquisition et de sa pratique, c’est identifier un certain nombre de problèmes et de solutions, c’est pouvoir analyser ensemble les ressorts de ce langage, son vocabulaire, sa syntaxe.
   Je propose ici les notes que j’ai rédigé au cours de mon enseignement. Incomplètes, je vous les livre dans leur état évolutif.

* Premier spectacle d’une des dernières promotions de l’école de cirque de Toulouse

CONTENU:

PRÉLIMINAIRES 

Comment sont organisées ces notes
Qu’est ce qu’une marionnette
Comment nommer
Notre choix d’un style pour l’initiation au langage marionnette :
 »  La marionnette sur table  »
Quelques principes:
– Le langage se construit en faisant résonner les uns sur les autres trois points de vue
– La question du modèle
– Technique et expression
– Objet / Sujet
– Métaphore active
– Qu’est ce qu’une « action »

  
L’ESPACE DE JEU DE LA MARIONNETTE SUR TABLE

La place de l’acteur marionnettiste
Le plateau

Le corps obstacle de l’acteur marionnettiste
Le corps support / le corps décor de l’acteur marionnettiste
Entrées en scène et sorties de scène
Positions fortes, positions faibles
Correction d’angle de jeu
Gérer l’espace du plateau
         – La profondeur
         – Quelle main pour quel sens de jeu
         – Changement de main

L’INSTRUMENT MARIONNETTE / L’INSTRUMENTISTE 

Position 0 de la marionnette
La marionnette idéale (définition technique)
La position 0 de l’acteur marionnettiste (définition technique et athlétique)
Message pour le constructeur de marionnette

Relaxation tonique

MARIONNETTE… LE REGARD (cliquer)

Voyons le cas ou un personnage marionnette  » ne fait rien « .
Pour aller plus loin voyons comment s’exprime le  » je vois  » de la marionnette
La présence
Accent
Rythme

Quelques autres repères pour organiser le jeu de regard
Amplitude
Le regard précède l’action
Focus
         – Ou poser le regard s’il est intériorisé
         – Regard perdu, regard d’aveugle
         – Habiter l’espace hors plateau
         – La projection
         – Dialogue de face
Mise en place du jeu

         – Organisation du jeu en distribuant les focus du personnage
         – Cas des yeux mobiles

MARIONNETTE… LA PAROLE (cliquer)

Le phrasé
Comment phraser ?

C’est en mettant tout d’abord l’attention sur le texte que nous allons     commencer le travail.
On ne peut isoler l’action parole de l’action regard.
     L’adresse
La gestuelle du phrasé
     Un phrasé bien articulé
     La parole est dans le geste
     Attention au retour
     La parole peut s’organiser sur le rythme d’une autre action
     Pour que le phrasé gagne en visibilité
Parole et émotion
Le traitement particulier du dialogue
     Ce qui permet de distinguer le sujet parlant de celui qui écoute
     On a vu qu’il faut tricher
     Il y a une solution lumineuse, c’est le dialogue face public
Et quand il n’y a plus de phrasé mais que la parole perdure
     Dans le cas d’une voix intérieure
    Dans le cas d’un commentaire ou d’une réflexion qu’il se fait à lui-même
En guise de conclusion : Une intelligence du texte

MARIONNETTE…LES ARTIFICES DU LANGAGE (en préparation)

MARIONNETTE…NATURALISME ET SYMBOLISME (cliquer)
Introduction au jeu symboliste

(A suivre)

En préparation:

MARIONNETTE…LA PLACE DE L’ILLUSION
MARIONNETTE…LA GRAVITE
MARIONNETTE…DÉPENDANCE ET LIBERTÉ
MARIONNETTE…L’ÂME
MARIONNETTE…LE POINT DE VUE DU SPECTATEUR
MARIONNETTE…QUESTION D’ÉNERGIE

PRÉLIMINAIRES

 

Comment sont organisées ces notes

Nous tenterons de suivre dans ces notes la même progression que nous suivons avec nos étudiants :
Nous partirons de la matérialité de l’objet marionnette et de sa mise en jeu dans l’espace qui lui correspond.
Étudier donc d’abord la marionnette pour elle-même. Puis sa relation à l’acteur marionnettiste qui s’est mis à son service en l’animant.
Puis un développement de cette relation quand elle devient une relation de partenaires : personnage marionnette confronté à un personnage acteur.
Puis nous aborderons l’écriture dramatique et la mise en scène dans ce qu’elles ont de spécifique pour cette discipline.

Nous procéderons par thèmes en sachant que dans la réalité du travail ils se recoupent et renvoient les uns aux autres.

Qu’est ce qu’une marionnette

Nous définissons le langage marionnette comme la mise en jeu théâtral d’un objet quand il prend un rôle de personnage. C’est dans le déroulement du temps théâtral et dans sa relation au comédien marionnettiste et au spectateur que l’objet marionnette prend sa qualité de personnage.
Notre concept marionnette est donc large et intègre des styles, des techniques et des situations très variées.

Notre choix d’un style pour l’initiation au langage marionnette : La marionnette sur table

Animées sur un plateau situé entre 60 cm et 80 cm du sol, elles sont de taille moyenne (30 à 70 cm), construite en matériaux souples (textiles) et sont équipées d’un contrôle principal derrière la tête et d’un autre en bas du dos.
Nous les animons  » à vue  » dans un espace nu, le plus souvent (fond noir).
Ces marionnettes ont un bon potentiel expressif et une souplesse de jeu qui leur permet de tenir la scène longtemps. Elles ont une capacité expressive suffisamment ample pour nous permettre de définir avec elles un alphabet et une syntaxe qui pourra être transposé par la suite à d’autres styles de marionnettes.

Comment nommer

  • Le praticien :
  • Manipulateur : Celui qui manipule. On peut manipuler n’importe quoi… une fourchette, un marteau. Je n’aime pas ce terme qui réduit à une fonction très technique : ce qu’on actionne avec la main.
  • Animateur : celui qui anime. Donner une âme ressemble plus à la relation du marionnettiste à sa marionnette. Dommage qu’il y ait une ambiguïté avec un autre métier qui peut aussi  » utiliser  » des marionnettes mais qui n’est pas celui que nous considérons ici.
  • Acteur/manipulateur : C’est un personnage malveillant et qui manœuvre des gens à leur insu.
  • Acteur/animateur : C’est celui qui anime des ateliers théâtre
  • Je préfère acteur/marionnettiste car cette appellation désigne l’interprète de théâtre qui domine cette discipline d’instrumentiste qu’est le jeu avec marionnettes. Par contre j’utiliserais  » manipulateur «  quand je voudrais nommer le marionnettiste dans la partie technique de son interprétation.

      L’instrument :

Si je désigne l’objet (l’instrument) je dis :  » la marionnette « .
Si je désigne le  » sujet qui joue  » et si ce sujet est une marionnette je l’appellerai :  » le personnage marionnette « .

Quelques principes auxquels nous allons faire souvent référence

Le langage se construit en faisant résonner les uns sur les autres trois points de vue

1. Celui de l’acteur marionnettiste
2. Celui de la marionnette
3. Celui du spectateur

La question du modèle

Il est question ici du modèle anthropomorphique.
Ce terme :  » modèle  » ne doit pas être pris au pied de la lettre puisque le langage théâtral de la marionnette n’est pas un copié collé de la réalité, mais une construction qui s’établi en accord avec les trois points de vue précédemment cités.
Ce modèle est donc une référence indispensable pour rendre le jeu de la marionnette compréhensible ; mais son langage doit être réévalué à la lumière de sa fonctionnalité scénique.

Technique et expression

Il y a dans la manipulation à vue une évidente dépendance technique entre la marionnette et l’acteur marionnettiste. Elle n’est pas cachée mais doit passer en second plan. L’attention du spectateur doit donc être conduite sur le jeu du personnage marionnette (ce que nous appellerons  » le message « ) et glisser sur l’intervention technique du  » manipulateur « .
Nous employons le terme  » expression  » pour désigner le message adressé au spectateur.
Nous employons le terme  » technique  » pour désigner tout ce qui ne fait pas partie du message, tout ce qui ne doit pas être porté à son attention.
Ainsi nous parlerons par exemple :
– d’une  » main technique « . C’est celle du manipulateur. Celle qui doit se faire oublier.
– d’une  » main expressive « . C’est celle qui joue, celle de l’acteur.
– d’un  » espace technique « . Celui que le spectateur ne doit pas considérer.
– d’un  » espace expressif « . Celui qui est représenté.
Notre tâche est d’organiser le jeu de façon à conduire l’attention du spectateur.

Objet/Sujet

C’est cette ambiguïté (à la fois sujet et objet) qui donne à la marionnette son étrange pouvoir hypnotique. Par contre nous devons être très clair au moment de la mise en place du jeu pour qu’il n’y ait pas de confusion entre ces deux états :
– Soit elle est le sujet et donc l’origine de l’action. C’est elle qui a la volonté d’agir ; c’est du moins ce que veut croire le spectateur.
– Soit elle est un objet inerte dans les mains du marionnettiste.
Il nous parait nécessaire pour construire le langage scénique de contrôler leur permanence, leur alternance ou les glissements d’un état à l’autre.

Métaphore active

Le personnage marionnette n’est pas incarné, il est une métaphore, il n’est que langage. C’est ce langage qui lui donne une réalité.
Pour exister, il doit être en action. Il ne peut s’en passer.

Qu’est ce qu’une « action« 

Comme un oiseau qui a toujours besoin d’un appui sur l’air pour voler, le personnage marionnette a toujours besoin d’être en action pour exister.
Action interne ou externe, ample ou minimale. S’il n’est plus en action il quitte son statut de sujet pour redevenir  » objet « . Et l’oiseau qui n’est plus en appui sur l’air devient une petite masse d’os et de chair écrasée sur le sol.
L’action n’est pas le fait de bouger et de s’agiter.  » Etre en action  » veut dire que le personnage est occupé à quelque chose et que ce quelque chose est communiqué au spectateur.
Dans la mesure ou le spectateur à devant lui un sujet il va tenter d’interpréter ce qui arrive au personnage à travers tous les signes que le jeu lui propose.
Être en action = proposer des signes.
Nous parlerons d’action regard, d’action pensée, d’action sentiment, d’action déplacement, etc…

 L’ESPACE DE JEU DE LA MARIONNETTE SUR TABLE

    La place de l’acteur marionnettiste

Dans un premier temps nous allons mettre l’acteur/marionnettiste au service de son instrument et étudier le jeu de la marionnette pour elle-même.
Dans ce cas l’acteur marionnettiste  » reste dans l’ombre « , en second plan. Vêtu de la même couleur sombre que le fond devant lequel il évolue, il accroche peu l’attention du spectateur qui peut se concentrer sur le personnage marionnette.

     Le plateau

Devant lui est un plateau couvert d’un tapis : la  » table  » de la  » marionnette sur table « .
Dans sa plus simple expression ce plateau est un non endroit (autant que la scène de théâtre pour l’acteur). C’est un support technique qui a besoin d’être défini par  » l’expression « .
Pour simplifier l’explication nous allons nous placer du point de vue du personnage marionnette :
Il ignore le marionnettiste dans son espace technique à l’arrière de la table.
Il ignore les bords de la table. La surface sur laquelle il évolue est continue, c’est la surface du monde.
Il est seul debout au milieu de ce monde comme l’est un acteur seul au milieu d’un plateau de théâtre.
Mais… Les qualités techniques de la table peuvent aussi être utilisées : Arrivant au bord de la table, montrant qu’il en a une conscience sensible il se retrouve au bord d’un espace infranchissable, d’un ravin, d’un trou dans lequel il peut chuter ou qui l’empêche de poursuivre un personnage volant ou un ballon emporté par le vent.
C’est le jeu du personnage marionnette (son jeu de prise de conscience du lieu) qui va transformer les potentiels techniques de la table en lieux objectifs (dans le domaine expressif)
Il peut ignorer le bord arrière de la table ou l’utiliser comme:
– Un trou où on peut chuter et d’où on peut ressortir. Où on se cache, d’où on peut jaillir.
– La crête de la pente abrupte ou tout autre escarpement qu’on a escaladé pour arriver sur le plateau
– Une cage d’escalier ou une cage d’ascenseur
– Etc.…

     Le corps obstacle de l’acteur marionnettiste

Nous avons dit que le personnage marionnette ignore la présence de l’acteur marionnettiste. Il l’ignore dans sa fonction d’instrumentiste et dans sa qualité de personne mais pas dans sa qualité matérielle. Il peut rencontrer son corps qui devient alors un obstacle, un élément de décor, un élément topographique, une falaise, une colline avec balcons et grottes. Il peut grimper dessus, se servir de son relief.

     Le corps support / le corps décor de l’acteur marionnettiste

En élargissant un peu notre propos nous pouvons proposer au même personnage marionnette un espace différent de celui de la table.
Supprimons le plateau de table et utilisons le corps entier de l’acteur marionnettiste (ou les corps s’ils sont plusieurs) combiné au sol réel pour créer des espaces, des architectures qui peuvent figurer selon les besoins un grand nombre de lieux objectifs.

     Entrées en scène et sorties de scène

D’où vont entrer et sortir nos personnages marionnettes ?
Le corps obstacle de l’acteur marionnettiste nous propose des solutions en se substituant aux jambages des rideaux d’un théâtre ou aux décors mais il reste le problème de son passage presque obligé sur le sol virtuel au-delà de la table avant de prendre pied réellement sur du solide.
Étantdonné que la marionnette est en jeu dès qu’elle est vue par le spectateur, ce jeu ne doit pas dévoiler la transition mais la faire oublier.

     Positions forte, positions faibles

Elles se définissent par rapport au regard du spectateur.
Quand le personnage marionnette est face public il est dans sa position la plus forte.
La confrontation des regards du personnage marionnette et du spectateur fait que celui-ci est capté dans une relation d’individu à individu. Il n’est plus observateur mais partenaire.
Quand le personnage marionnette pivote jusqu’à sa position de profil toutes les positions qu’il traverse sont fortes ; mais elle s’affaiblissent prés du profil. En effet le profil marque une limite. On peut observer que dans ce cas la main technique du marionnettiste est présente au même niveau que le personnage marionnette
Les positions trois quart dos et dos sont franchement faibles puisque les éléments techniques sont là en premier plan. On peut passer rapidement dans ces positions si on ne peut les éviter.
On cherchera dans le jeu à privilégier les positions fortes.
Malgré le fait que le jeu de la marionnette se limite à la moitié des postures d’un acteur il doit donner une sensation de liberté de mouvement dans l’espace. Je dirais pour faire image que c’est un jeu en pointillés qui donne l’impression d’être une ligne continue.

     Correction d’angle de jeu

Un exemple pour illustrer ce thème :
Deux personnages marionnette conversent. Pour ce faire ils devraient se situer face à face et donc se retrouver de profil pour le spectateur. Ils devraient…. En fait on triche. On ne fait pas un vrai face à face. On ouvre un peu vers le public. Les marionnettistes ont une sensation de faux mais, pour le spectateur, c’est vraisemblable. De plus il ne perd pas le contact avec les personnages.
On va chercher à privilégier les positions fortes : face et ¾ avant, quand le parti pris de jeu le rend possible. Un dialogue où les personnages sont face public en se jetant de temps en temps des regards pour garder le contact est tout à fait crédible.

     Gérer l’espace de la table

La profondeur :

Du point de vue du spectateur le fait que le personnage marionnette joue sur la partie avant ou sur la partie arrière de la table ne change pas grand-chose.
Par contre l’acteur marionnettiste est en position difficile quand il joue sur la partie avant. :
Il est complètement en porte à faux
Il rentre carrément dans l’espace expressif du personnage marionnette
Il rentre en pleine lumière
On évitera donc de jouer dans la partie avant de la table.

Quelle main pour quel sens de jeu :

Celle qui manœuvre le contrôle principal de la marionnette (derrière la tête) sera de préférence :
La main droite quand le personnage marionnette joue de jardin à cours.
La main gauche quand le personnage marionnette joue de cours à jardin.
Elle sera ainsi dans une position plus axiale par rapport à la marionnette, plus près de la position idéale.
L’autre main sera disponible en arrière plan pour manœuvrer le bras gauche dans le premier cas et le droit dans le second.
L’autre bras de la marionnette étant côté public, sa manipulation doit être beaucoup plus discrète voire même à éviter complètement dans la mesure où la main technique du marionnettiste viendrait se positionner entre le personnage marionnette et le spectateur.

Changement de main :

Dans le cours d’une séquence le personnage marionnette devra sans doute jouer de cours à jardin puis de jardin à cours. Il faudra effectuer un changement de main.
Ce changement de main ne peut se faire sans quelques mouvements parasites. On profitera donc d’un moment ou le personnage marionnette est en mouvement ; sinon on placera là une action gestuelle pour pouvoir y dissimuler ces scories parasites.

L’INSTRUMENT MARIONNETTE / L’INSTRUMENTISTE

     Position 0 de la marionnette

Dans cette position la marionnette est debout sur ses jambes, droite, le regard à l’horizon.
Cette posture de base peut différer légèrement en fonction des caractères de personnages. C’est une posture autant expressive que technique.

     La marionnette idéale (définition technique)

Ce sera celle qui dans sa position 0 sera debout, en équilibre et portera son poids.
La main du manipulateur sur son contrôle ne fera que « l’accompagner ».
Il se peut bien sûr que certaines marionnettes ne puissent s’appuyer sur leurs jambes et qu’il faille les porter. Si elles sont légères cela ne posera pas de problème. Mais il reste que l’idée d’équilibre avec un moindre effort du manipulateur reste valable.

     La position 0 de l’acteur marionnettiste (définition technique et athlétique)

Le principe qu’on retrouve toujours est la recherche d’une économie d’énergie et l’élimination des tensions.
La posture de l’acteur marionnettiste doit être confortable pour lui permettre d’être disponible à sa fonction. En effet, dans le cas contraire, efforts et tension passeraient probablement dans le jeu du personnage marionnette et parasiteraient le message transmis au spectateur.

Description :

La main est tonique mais relaxée.
Le poignet de la main qui tient le contrôle principal de la marionnette est dans le prolongement du bras donc capable de rotations et de torsions dans tous les sens.
L’avant bras cherche l’horizontal mais son angle s’adapte à la taille de la marionnette et à la hauteur du plateau (voir plus loin chapitre :…. )
Les épaules sont bases.
Le torse droit.
Le bassin vertical
Les articulations des jambes souples (non bloquées). On descendra un peu le centre de gravité pour être plus dans le sol, plus stable.
Les pieds légèrement écartés pour assurer la stabilité
La respiration tranquille (profonde et sans tensions)

     Message pour le constructeur de marionnette

La forme du contrôle est souvent un problème pour l’acteur marionnettiste.
Il faut donc dessiner les contrôles de façon à lui permettre d’être disponible en posant les questions suivantes :
A quelle hauteur sera le contrôle ?
A cette hauteur quelle serait la position du poignet de l’acteur marionnettiste ?
En respectant le principe du poignet dans le prolongement du bras on définira l’inclinaison et la forme du contrôle.

     Relaxation tonique

C’est l’état qui conjugue force et sensibilité.
L’acteur marionnettiste fourni l’effort nécessaire à la mise en mouvement de la marionnette mais doit être capable en même temps et par le même canal de sentir les réactions de l’objet aux sollicitations : son poids, son inertie, son équilibre. Pour ce faire il doit éliminer les tensions et permettre ainsi à  » l’énergie  » de circuler.
C’est ce qui permet la finesse du jeu où la moindre palpitation de l’acteur marionnettiste est transmise à la marionnette et captée par l’observateur. C’est ce qui permet au personnage marionnette d’exprimer une intériorité crédible.
Cette qualité de présence énergétique n’est pas spécifique au travail de l’acteur marionnettiste on peut s’y initier auprès d’autres disciplines (la danse, les arts martiaux, la musique instrumentale). Elle s’appuie sur la respiration.

MARIONNETTE…LE REGARD

Un regard bien contrôlé et voilà un personnage marionnette qui se met à vivre. La vue est notre sens premier. Il en est de même pour le personnage marionnette. C’est par le jeu de son regard qu’il nous informe de sa relation avec le monde extérieur ou de son retrait dans son intimité.

Généralement le constructeur de marionnette lui a fait des yeux fixes. Ce sont les mouvements de sa tête qui vont figurer les mouvements de ses yeux. (Voir plus loin le cas où les yeux de la marionnette sont mobiles)

  Voyons le cas ou un personnage marionnette  » ne fait rien « .

Reportons nous au modèle. Que font nos yeux quand nous sommes assis dans une salle d’attente ?
Ils ne cessent d’aller vivement d’un endroit à un autre, curieux de ce lieu qu’ils ne connaissent pas. Ils sont en contact avec l’environnement.
Si le rythme de ces mouvements ralenti ou si les yeux s’arrêtent sur un objet et s’y oublient, nous voilà parti dans une rêverie.
Il en est de même pour un personnage marionnette. Ses mouvements de tête vif (sans être amples) ou ralentis expriment un contact avec l’environnement ou une intériorisation.

Dans le cas d’une salle d’attente l’action regard s’accompagne d’autres actions minimes, des mouvements de  » confort  » : le personnage remue, fait un contact avec ce sur quoi il est assis, son dos le gratte, il change de position, il respire. Il y a toujours au minimum une pulsation de vie qui s’exprime par de légers tassements, de légers étirements. J’appelle cela un  » jeu minimum « . Le personnage  » ne fait rien  » mais il est toujours en action.

     Pour aller plus loin voyons comment s’exprime le  » je vois  » de la marionnette
Il ne suffit pas qu’il pose son regard quelque part pour donner à croire que le personnage marionnette regarde. Il faut en plus une prise de conscience.
Le  » je vois  » se réalise en deux temps :
-l’évènement sensible : l’objet arrive au centre du champs visuel du personnage
-La prise de conscience : Cela s’exprime le plus souvent par un  » accent  » qui indique au spectateur que le personnage a vu.
Cet accent n’est pas naturaliste. Il s’agit d’un petit mouvement vif vers l’avant (vu quelque chose de favorable) ou vers l’arrière (vu quelque chose de défavorable : danger, désagrément, mauvaise surprise)
Si le personnage est en mouvement, le brusque et incisif arrêt de ce mouvement nous informe que quelque chose arrive au personnage ce qui peut être suffisant pour exprimer le  » j’ai vu « .
On peut faire varier le timing de ces deux temps ; on crée ainsi des  » je vois  » de qualités différentes.
Cas particulier : la prise de conscience arrive avec du retard alors que le contact sensible est passé.
Plusieurs façons de le jouer
1) En 1 temps : le mouvement se termine par un brusque retour sur l’objet
2) En 2 temps : Le personnage arrête soudain son mouvement ( » il m’arrive quelque chose  » !) puis revient planter son regard sur l’objet.
Variante (pour accentuer une surprise, façon clown): le  » double neck « . C’est la première façon répétée deux fois à la suite comme si le personnage doutait de sa première prise de conscience.

La présence

Un personnage marionnette qui était parti dans une rêverie prend soudain conscience qu’on le regarde. Son regard va faire un contact avec ces gens qui le regardent. Il est tout à coup très présent. C’est la qualité de son  » action regard  » qui va exprimer cela.
Il va exécuter des petits mouvements vifs qui passent d’une personne à une autre. Comme si ce jeu de regard était des  » je vois  » successifs. C’est ainsi que l’action regard est la plus présente et la plus chargée d’énergie relationnelle.
En généralisant : pour être très présent à l’environnement, le regard va circuler par des petits mouvements vifs d’un point à un autre.
Le regard qui balaye est déjà moins présent car il est dans une quête sensible (la première phase du  » je vois « ). Si, de plus, son rythme ralenti, l’attention du personnage s’intériorise.

     Accent

C’est l’expression externe d’un évènement interne. Quelque chose arrive soudain au personnage.
Il sert à exprimer la surprise, la prise de conscience du  » je vois  » ou du  » j’entends « , l’arrivée brusque d’une idée dans la tête du personnage, un éclair de compréhension, un souvenir qui fait irruption, etc.…
Il doit avoir la qualité de l’action intérieure pour en être un bon témoignage : rapide, incisive, légère ou appuyée, bien située par rapport aux autres actions.
Il se joue par une tension, un arrêt ou un brusque changement de rythme ou par un mouvement inventé pas tout à fait naturaliste (ce petit sursaut vers l’avant ou vers l’arrière dont j’ai parlé). Ce mouvement, bien que je le dise  » inventé  » est très compréhensible par le spectateur. Un être humain pourrait le faire dans cette situation. Les artifices que j’utilise sont des mouvements possibles d’un être humain mis dans cette situation. Dans le langage recomposé de la marionnette je les systématise pour palier les limites de l’instrument.

     Rythme

Le timing des actions peut faire varier leur propos du tout au tout.
Exemple : Si nous reprenons cette action regard très présente qui se joue par des petits mouvements vifs passant d’un point à un autre. Ralentissons son rythme : le personnage regarde bien quelqu’un ou quelque chose mais il a le temps d’une réflexion sur ce quelqu’un ou ce quelque chose. Ralentissons le encore : le personnage est parti dans une rêverie. Son regard se pose mais ne voit plus. Son attention est sur son film intérieur… son regard passe d’un point à un autre pourtant il ne fait pas de contact avec l’environnement!

     Quelques autres repères pour organiser le jeu de regard

Amplitude

Autant que pour le phrasé, l’action regard peut impliquer le torse ou même toute la marionnette. Cela correspond à différents critères : la lisibilité du jeu (pour des spectateurs éloignés, jouer grand !), la dynamique de l’action, le style de personnage et de jeu (ex : exagération à la Tex Avery) Quand l’amplitude est réduite l’action regard doit être simple, précise, incisive.
En termes d’amplitude on peut repérer trois qualités de regards. On peut bien sûr les combiner :
– Un regard qui balaye largement l’espace
– Un regard qui prend en compte un morceau de l’espace
– Un regard focalisé sur un point.

     Le regard précède l’action

Dans la réalité, avant de nous déplacer dans un espace nous faisons un repérage visuel. Avant de nous asseoir nous jetons un coup d’œil à ce sur quoi nous allons poser nos fesses. Le plus souvent nos mouvements et déplacements sont précédés d’une  » action regard  » de repérage. En effet nous avons besoin de savoir où nous sommes, si l’endroit est favorable ou défavorable.
Par contre s’il n’y a pas d’action regard c’est que l’endroit est familier que nous en connaissons les mesures.       Nous appliquons cela au jeu de marionnettes.

     Focus

Où poser le regard s’il est intériorisé

Un regard possédant une fixité exprimera bien plus l’état de réflexion ou de rêverie s’il est dirigé vers le haut (ciel) ou vers le bas (terre). En effet un regard horizontal a tendance à indiquer un contact avec l’environnement. La réalité humaine est à hauteur humaine.

Regard perdu, regard d’aveugle

Il est insensible. Il ne sert pas à situer ou à repérer. Il est à la dérive, il n’a plus de propos. Il est inerte.
On repère d’ailleurs un aveugle par le fait que son regard ne se coordonne pas à ses mouvements.

 Habiter l’espace hors plateau

Le jeu de regard permet de situer des objets, des personnages ou des espaces hors plateau pour les prendre en compte dans le jeu.

  La projection

C’est une convention du mime
Elle correspond à un style de jeu ou l’acteur est en connivence avec le public. Le personnage est-il surpris ou effrayé en apercevant un individu, qu’il s’adresse au public pour lui renvoyer cette surprise ou cette frayeur comme s’il le prenait à témoin.
Donc 2 temps :
1. Le personnage vit une émotion
2. Il la projette au spectateur
Ce style de jeu convient très bien à la marionnette. Il est d’autant plus efficace que la position de face est la plus forte position de l’instrument marionnette.

     Dialogue de face

La position de profil le l’instrument marionnette est une position faible. En effet les yeux et la main technique qui tient le contrôle de la tête sont au même niveau donc ont une même importance visuelle pour le spectateur.
La solution à ce problème est de tricher et d’ouvrir légèrement le regard vers le public. Pour le marionnettiste qui anime la marionnette cette position est fausse mais pour le public elle est juste. On l’utilise quand un jeu face à face entre les personnages marionnettes est parfois nécessaire.
Une autre possibilité pour mettre en scène un dialogue est de le jouer de face. Les personnages marionnette s’adressent au public comme s’ils s’adressaient à leur interlocuteur. Ils se regardent de temps en temps pour garder un contact crédible.

Mise en place du jeu

Organisation du jeu en distribuant les focus du personnage

On sait que le jeu de regard est le plus important des artifices du langage marionnette. Il nous informe des qualités des espaces de jeu, de la relation du personnage marionnette avec l’environnement, les interlocuteurs, le spectateur. Il nous livre aussi ses états intérieurs.
On peut donc structurer une séquence en commençant pas définir plusieurs focus. Ce sont des ancres entre lesquelles va se s’articuler et se tendre le jeu du personnage.
  Prenons l’exemple d’un monologue. On pourrait définir plusieurs focus :
– Le spectateur auquel il va s’adresser avec plus ou moins de vigueur suivant les variations de son propos. Il va aussi prendre des temps pour vérifier l’effet de ses paroles sur le public (des petits mouvements vifs qui passent d’une personne à une autre)
– Un espace intérieur où il va se faire des commentaires pour lui-même. (Son regard se fixera vers le haut ou le bas. Il ne phrasera pas, ce qui exprimera comme une voix intérieure)
– Des focus situés dans l’espace là où il situe des lieux ou des interlocuteurs réels (c’est-à-dire présents sur le plateau) ou virtuel (situés hors plateau donc suggérés).

     Cas des yeux mobiles

Le fait que l’instrument marionnette ait les yeux mobiles lui donne un vocabulaire plus étendu mais ne le dispense pas d’impliquer le corps dans ses actions regard. En effet nous avons besoin qu’il exprime ses états intérieurs pour en faire un personnage crédible. L’anecdote mécanique des yeux mobiles n’est pas du tout suffisante!

 MARIONNETTE…LA PAROLE

Dans le jeu de marionnettes l’origine réelle de la voix est distante du personnage marionnette puisqu’elle est émise soit par le marionnettiste soit par une autre personne ou alors elle est une voix enregistrée arrivant  à l’oreille du spectateur par l’intermédiaire d’enceintes audio.
D’où que sorte la voix, elle n’a pas pour origine le corps de la marionnette.
Pour que le spectateur puisse attribuer cette voix au personnage marionnette il faut donc user d’un artifice : le phrasé.

    Le phrasé

C’est une gestuelle qui « prend la parole ». Elle réquisitionne le torse et la tête du personnage marionnette pour scander les sons et les intentions du parlé.
On peut en distinguer plusieurs aspects :

  • Le phrasé de l’élocution qui figure la mécanique du parlé et scande chaque son, chaque syllabe. C’est le parlé dans son coté athlétique, le parlé qui articule.
  • Le phrasé du sens ou de l’émotion, qui organise le parlé en ménageant des variations d’amplitude, des accents, des suspensions, des pauses.
  • Le phrasé qui réquisitionne le rythme d’une autre action que le parlé.

Ces aspects se combinent pour donner la parole au personnage marionnette.
La gestuelle du phrasé n’est pas étrangère au modèle anthropomorphique sinon elle ne serait pas compréhensible. Elle fait référence à des postures que nous prenons, dans la vie réelle, en parlant. Surtout si nous gesticulons sous l’emprise d’une émotion. Nous systématisons ces gestes pour palier aux limitations de l’objet marionnette…qui veut faire croire qu’il est un sujet.

      Comment phraser ?

En aucun cas le phrasé ne peut être un mouvement mécaniquement répétitif. Il ne suffit pas d’agiter ou de secouer le personnage marionnette pour lui donner la parole. Il cesserait immédiatement d’être crédible et perdrait l’attention du spectateur.
Il ne suffit pas non plus d’agiter le bras au rythme de la parole ou d’actionner une bouche articulée. En effet la parole provient d’une source intérieure et c’est le jeu du phrasé qui évoque cette origine.
Le phrasé doit donc être « habité »…sensible, inventif et surtout bien articulé.

 C’est en mettant tout d’abord l’attention sur le texte que nous allons commencer le travail. Prenons une phrase :

1er exercice : Y appliquer le phrasé de l’élocution. Phraser chaque son. On s’aperçoit alors que le plus souvent on expulse le texte en grappes, en paquets de sons et de mots, beaucoup trop vite. Cet exercice à ceci d’intéressant qu’il va nous obliger à entrer dans l’organisation sonore du parlé et à articuler.

2ème exercice : Tout en conservant l’articulation précédente chercher dans la phrase où sont les sons les plus importants. Accentuer le geste du phrasé qui leur correspond.

3ème exercice : En choisissant maintenant un texte plus long (plusieurs phrases) On va chercher à placer des suspensions, des silences. On s’aperçoit par exemple qu’après avoir accentué un son on a besoin d’une petite suspension avant de continuer.
Puis on va se demander à qui s’adresse le personnage marionnette et quelle relation il installe avec son interlocuteur.

      On ne peut isoler l’action parole de l’action regard.

      L’adresse
Nous avons vu l’importance du jeu du regard qui situe le personnage marionnette en rapport à l’environnement ou à son intériorité. Il permettra, en se combinant au phrasé de définir l’adresse : A qui la parole s’adresse t-elle ?
Dans la vie réelle une action regard précède l’action parole. Dans le jeu de marionnettes nous conservons cet ordre : le regard repère et désigne l’interlocuteur. Cet interlocuteur demeure le focus principal (direct ou virtuel) de toute l’action parole.

     La gestuelle du phrasé

        Un phrasé bien articulé :
Souplesse des doigts et du poignet, gestes incisifs, économie et efficacité

        La parole est dans le geste.
Dit autrement : le Geste est premier par rapport à la parole. Le geste commence avant que le son ne soit émis.
Observons la fonction de l’air dans l’émission d’un son. Avant  de pouvoir faire vibrer les cordes vocales en propulsant de l’air, il faut d’abord inhaler cet air puis exercer une pression sur lui. Il existe donc une amorce gestuelle à l’émission du son.
Ceci dit, le décalage n’est pas grand. Il se sent plus qu’il ne se voit. Néanmoins, si cette priorité du geste n’est pas respectée, le phrasé semblera à la traîne de la voix et ne remplira pas son rôle.

       Attention au retour
Quand le phrasé a terminé une phrase sur un accent qui porte le buste et la tête en avant, pensez que le fait de revenir en arrière, s’il n’y a pas d’intention dans ce retour, annule la puissance de l’accent. Le geste du retour doit être chargé de sens autant que les autres.

       La parole peut s’organiser sur le rythme d’une autre action :
C’est ce que j’appelle « le phrasé qui réquisitionne le rythme d’une autre action ». Quand un personnage marionnette effectue une action très dynamiques (comme par exemple courir, sauter, danser, tomber, se relever,) l’émission du son, des mots, de la parole se cale sur le rythme des gestes. Et c’est ce qui donne à croire que la parole entendue appartient bien au personnage.

       Pour que le phrasé gagne en visibilité
Si le phrasé est juste et incisif il peut, même réduit, bien remplir son rôle. Par contre si on veut lui donner de l’amplitude, comment faire ?
Un mouvement d’arrière en avant est peut visible car il s’effectue dans la ligne de mire du spectateur.
Pour le rendre plus lisible donnons lui de la rondeur. Pensons à une arabesque.
Généralement pour donner plus d’amplitude à un geste on l’amorce par un démarrage dans la direction contraire puis, dans la rondeur, on change sa trajectoire pour lui donner la direction finale. Pensez au geste complet du corps et du bras que vous faites quand vous jetez une pierre.
Pour le rendre plus lisible investissons le plan frontal.
       Exercices :
Au lieu de tracer les gestes du phrasé dans la ligne de mire du spectateur, c’est-à-dire d’arrière en avant et d’avant en arrière, nous allons les tracer dans le plan frontal. Nous allons définir des trajectoires a priori : Il vont circuler sur un I (sur une ligne verticale) ou sur une ligne horizontale. On va essayer de les faire circuler sur un V, puis sur un V renversé (pointe en haut), puis sur un X, puis sur un O.
On se rend compte avec surprise que le phrasé du personnage marionnette reste très souvent crédible même avec ces trajectoires de phrasé tirées par les cheveux. Cela nous ouvre des perspectives nouvelles pour caractériser nos personnages.

      Parole et émotion

Si on considère des états émotionnels aussi différents que la déprime ou l’exaspération, on entend bien que la voix d’un personnage vivant ces émotions s’expriment par des gestes de qualités bien différentes.
On a vu que les émotions pétrissent le corps de la marionnette, qu’elles jouent sur des notions d’ouverture/fermeture, d’expansion/tassement, de prise de hauteur/écrasement, d’accélération/ralentissement
Ces états viennent se combiner à la parole et au jeu de regard

       Le traitement particulier du dialogue

       Ce qui permet de distinguer le sujet parlant de celui qui écoute c’est l’action du phrasé pour l’un et les signes de l’écoute pour l’autre. On pourrait dire l’un est actif et l’autre passif…situation qui alterne dans une conversation.

        On a vu qu’il faut tricher sur l’angle de jeu des marionnettes pour que la scène n’échappe pas au spectateur. (cf :L’espace de jeu de la marionnette / Correction d’angle de jeu)

On peut aussi dans certaines situations particulières utiliser une chorégraphie en pivot distribuant alternativement la parole entre celui qui parle et qui est de face et l’autre qui écoute et qui est de dos. Ce type de chorégraphie est intéressant dans un dialogue entre un personnage marionnette et le marionnettiste dans ce sens qu’il permet au marionnettiste d’assumer la voix de sa marionnette sans que sa bouche soit visible (quand il est de dos et la marionnette de face) alors qu’il parle pour son compte quand il est de face. Avec l’inconvénient notoire que les marionnettes (celles qui ont le contrôle derrière la tête) vont mettre en premier plan leur contrôle et la main technique qui les manœuvre.

        Il y a une solution lumineuse, c’est le dialogue face public. Les deux personnages sont en situation de dialogue mais font face au public. Ils sont là dans leur position la plus forte (cf : L’espace de jeu de la marionnette/Positions fortes–Positions faibles). Il arrive que dans le réel nous fonctionnions de cette façon :
Exemple : Imaginez que vous conversez avec un ami devant un paysage. Vous vous parlez sans vous regarder, les deux contemplant le panorama. De temps en temps vous vous jetez des coups d’oeil pour vous assurer que l’autre est bien là et attentif. A certains moments forts de la conversation vous vous tournez vers votre interlocuteur mais vous revenez très vite à la contemplation.
On peut reporter cette situation dans un contexte théâtral. Ce n’est plus un paysage qui est en face mais le public. Cette situation a l’avantage de faire participer un maximum le public à cette intimité entre les deux personnages. Elle s’applique parfaitement au jeu de marionnettes.

      Et quand il n’y a plus de phrasé mais que la parole perdure

Voilà une nouvelle possibilité qui nous permet d’exprimer une voix intérieure, une voix qui, dans la vie réelle, ne serait pas audible. Mais on ne peut utiliser cette possibilité qu’une fois que le phrasé est bien établi.
Nous avons là deux cas de figure :

  • Soit c’est une voix intérieure. La voix de sa conscience, une voix divine, celle d’un conseillé intime, etc… dans ce cas elle peut même avoir un timbre différent. Le personnage marionnette est alors dans une situation d’écoute.
  • Soit cette voix est un commentaire que le personnage marionnette se fait à lui-même.

         Dans le cas d’une voix intérieure le personnage marionnette « entend des voix », il va donc se mettre en situation d’écoute intérieure. C’est la qualité de regard du personnage marionnette qui va nous en informer.
Sachant que, pour le regard, la présence majeure au monde est l’horizontale, il va se focaliser plus haut (intervention divine !) ou plus bas (conseiller intime !) dans une relative immobilité qui est le signe de l’intériorisation (l’immobilité est aussi signe d’écoute).

         Dans le cas d’un commentaire ou d’une réflexion qu’il se fait à lui-même,
voici un exemple:
Un personnage marionnette est en conversation avec un interlocuteur (autre personnage marionnette ou le public directement). Cette conversation est donc bien phrasée, bien adressée.
Mais voilà qu’en même temps il a des états d’âme, il se fait des commentaires, il jauge son interlocuteur. Pour exprimer cela on va intercaler entre des moments phrasés des commentaires non phrasés. Simultanément à ces commentaires, le regard peut, soit continuer son observation de l’interlocuteur, soit s’en écarter pour expliciter que ce qui est dit ne s’adresse pas à l’interlocuteur.
Cela peut être drôle d’entendre le personnage marionnette prenant vraiment son interlocuteur pour un imbécile à l’insu de celui-ci (mais pas à l’insu du spectateur).
On pourrait aussi entendre ainsi l’argumentaire d’un marchandage.
C’est un jeu de code : Le spectateur comprend aisément que quand un personnage marionnette ne phrase pas, ce qui est dit est une aparté avec lui, spectateur. Son interlocuteur marionnette ne l’entend pas.
Si, pour aller encore plus loin, nous remplaçons l’interlocuteur marionnette par le spectateur lui-même, nous nous retrouvons dans une situation cocasse ou ce spectateur entend ce qu’il n’est pas censé entendre. En effet ce sont des commentaires que le personnage marionnette exprime à son encontre. C’est encore là l’arrêt du phrasé qui informe le spectateur de ce jeu.

En guise de conclusion : Une intelligence du texte

L’interprète marionnettiste doit avoir une intelligence du texte qui déborde le propos de ces notes. Il faut de l’air entre les mots. Le texte n’est pas une information sèche, il nous communique l’intériorité du personnage marionnette. Il témoigne des pulsations émotionnelles. Il obéi à une espèce de stratégie relationnelle avec l’interlocuteur.
Parfois un projectile, parfois une caresse, parfois une arme, parfois une tendresse… Des moments suspendus où l’information va avoir le temps de faire écho chez le spectateur… Des silences où le personnage marionnette va observer l’effet que font ses paroles sur le spectateur.
La marionnette est un instrument qui fait vibrer une parole vivante.

MARIONNETTE…NATURALISME ET SYMBOLISME

Un personnage marionnette flotte sur le dos à l’horizontal les pieds en avant, regardant curieusement le monde qui défile en dessous de lui…
Que fait-il?
C’est en rencontrant ce genre de situation que j’ai cherché des repères et des mots pouvant organiser un langage que j’appellerait symboliste. C’est le propos de ce chapitre.

Définitions:
J‘appelle « Naturaliste » un jeu qui prend comme référence le comportement de l’être humain dans le contexte de « la vie réelle ». (Le terme « mimétique » peut aussi désigner ce jeu)
J’appelle « Symboliste »(1) un jeu qui donne une forme physique, visuelle et sensible à des états intérieurs, des émotions, des pensées, au delà de ce que le naturalisme peut en témoigner. Ce jeu se libère le plus souvent de la pesanteur pour inventer des postures, des situations, des chorégraphies avec la liberté du rêve. Il joue aussi avec les artifices du langage théâtral. Je ne fais pas parler les personnages de leur vie intérieure, je la montre dans un théâtre d’images, de gestes et de situations.

En chemin vers le symbolisme

Référence au modèle humain
Bien sûr le jeu d’un personnage marionnette est toujours comparé à la façon d’être de quelqu’un dans la vie « réelle ». C’est de cette façon qu’on le « comprend » (2). Un personnage marionnette qui marche sur un sol est immédiatement compris. Par contre s’il décolle et se met à évoluer en l’air, Il nous est indiqué que nous ne sommes plus dans un plan naturaliste. Cela n’a pas de signification aussi immédiate. Il faut interpréter. Rêve t’il? Est-il dans un cheminement de pensée? Est-il mort et revenant aux abord de sa vie passée? Est-ce un voyage astral? Ou l’expression d’un sentiment, d’une émotion?
Il faut interpréter!
C’est là que je place le terme « symbolisme ». Quand il n’y a pas de relation évidente avec le monde « Réel », celui auquel nous sommes habitués, celui qui ne questionne pas plus que ça notre attention.

Où termine le jeu réaliste et où commence le symbolisme
On peut construire un jeu réaliste avec des artifices de langage qui ont comme finalité d’articuler le langage et de donner le temps à la lecture du spectateur. Pour le spectateur nous seront toujours dans du jeu naturaliste, « facile à comprendre ». Ce sont par exemple: ralentis, accélérés, arrêt sur image, mouvement suspendu…Quand ils ne sont pas appuyés ils viennent sans problème se combiner et faire partie d’un jeu qu’on peut toujours appeler naturaliste. On s’y retrouve. Les ellipses, par exemple, qui servent à simplifier une action complexe pour la suggérer plutôt que pour la décrire, agissent par élimination d’une partie des actions du modèle humain pour ne conserver que l’essentiel, ce qui est nécessaire pour suggérer un jeu « naturel ». (pour le confort du marionnettiste qui n’a que deux mains).
Par contre, quand ces artifice prennent une importance à la Tex Avery on ne peut plus parler de naturalisme.

La pesanteur
Je remarque que la plupart du temps, quand je désigne un jeu symboliste, le personnage marionnette s’est libéré de la pesanteur. Là je ne parle pas des styles de jeu où on utilise une « illusion de sol » (comme les Marottes et marionnette sur table jouées dans l’espace sans plateau). Dans ce cas le sol est mimé (c’est le jeu des personnages marionnettes qui l’établit) mais il est bien là et nous restons donc dans le domaine réaliste (Nous n’avons à faire qu’à un artifice de langage)


Toujours un langage de signes

Le langage théâtral est de la réalité recomposée, donc une invention. On peut certainement y greffer des éléments qui, comme je disais, ne font pas partie de ce qui nous tombe sous le sens. Un personnage marionnette se met à léviter mais il ne vole pas. Il a des spasme comme une larve de moustique dans l’eau, il décrit des arabesque ou des lignes brisées, il se précipite puis s’arrête en suspension, il flotte dans l’apesanteur…
A un moment ce jeu se met à questionner notre compréhension. Qu’est ce qui est représenté là?
Il nous faut des repères pour interpréter ça!

Des repères
  Que s’est-il passé avant?
  Y à t il un contexte? Par exemple un décor ou même un objet, un meuble qui est en  relation avec le personnage?
  La posture du personnage ou sa gestuelle nous renseignent-elles?
  Y-a-t-il un contexte sonore…une voix?
  Quelles sont les actions/réactions du personnage marionnette par rapport à son environnement?
  Quelle est la dynamique du jeu?
  Sa gestuelle renvoie-t-elle à des signes repérables ou connus
  Etc….

L’ancrage
Pour que le spectateur comprenne de quoi on lui parle avec un jeu symbolique il est bon d’ancrer ce jeu dans le « réel », de lui donner un appui dans la réalité sensible qui nous est familière. C’est à dire de revenir momentanément à un jeu naturaliste.
Voici, pour illustrer ce principe, l’exemple du « jeu de l’écrivain »:
L’écrivain est assis sur un tabouret. Devant lui une table avec un papier et un crayon.
Pour exprimer cette recherche il traverse différents état émotionnels (urgence, tension, abattement, exaltation, inquiétude, irritation, plaisir, jubilation)
Puis (et c’est là qu’il entre dans le plan symboliste) il se libère de la gravité pour partir à l’aventure dans l’espace et dans des gestuelles qui expriment de façon abstraite les émotions qu’on vient de nommer en se référant à des trajectoires (lignes arrondies, droites ou brisées, volutes) à des « densités » (les mains du marionnettiste le pétrissant ou l’actionnant de façon contraignantes, douces ou violentes) des rythmiques…

Le personnage part dans des gesticulations abstraites qui figurent sa recherche d’inspiration. Mais il revient de temps en temps à sa table et à son stylo quand il a capturé une bonne idée. C’est là l’ancrage!

L’ancrage est le garde fou qui permet à l’interprétation du spectateur de ne pas se perdre.

Autres exemples et variations sur l’ancrage

Jeu avec un matériau:
Un autre exemple d’encrage c’est l’ajout d’une objet tête à l’animation d’un grand morceau de papier. Alors que le papier, froissé, avec une ample pulsation respiratoire, forcé et distordu décrit une très grande variation de formes et donc prête à de multiples interprétations, la tête dont le jeu reste plus sobre et plus naturaliste sert de point de repère pour identifier ce que joue le papier.

Ancrage inversé:
C’est dans un spectacle de auquel j’ai participé (« Who We Are » de la cie Transe en Danse de Belgique)
Plusieurs personnages acteurs et danseurs ont leur double marionnette (petite taille et tout d’un bloc, elles n’ont pas d’articulations et ne peuvent que rester raides debout)
Pour leur donner une âme, une présence théâtrale, c’est le jeu qu’on fait autour d’elles en les désignant qui les fait exister. Une danse de leurs doubles humains révèle les états intérieurs des personnages marionnettes dont l’immobilité devient alors fascinante. Le fait que la lumière vienne sur elles augmente encore leur « existence en scène ».
C’est leur immobilité, leur « non jeu » qui fait ancrage.

Jouer avec l’incarnation:
Dans ce cas on joue avec le fait que la marionnette est sujet quand elle est animée, sinon elle reste un objet.
Un personnage que nous avons précédemment vu jouer comme sujet donc auquel nous nous sommes identifié s’écroule. Le marionnettiste est venu à la rescousse et lui remue bras et jambes et autres parties du corps. Ces parties retombent inertes quand il les lâche. Le personnage est mort ou au moins sans connaissance. Dans ce cas l’ancrage est la matérialité de l’objet marionnette.

Complémentarité
Il y a donc complémentarité entre le jeu symboliste et le jeu naturaliste. Leur combinaison  est vraiment propre au jeu de marionnette.  La marionnette est un artifice, elle n’est pas incarnée, elle n’est que du langage, alors profitons de cette richesse de possibilités pour jouer librement.
La seule limite est que le langage soit compréhensible pour la lecture du spectateur. S’il y a confusion nous perdons son attention…Donc attention de donner sens aux liaisons entre les deux plans.

Des propositions d’exercices pour aborder le jeu symboliste
Parmi des scènettes déjà expérimentées

L’écrivain
Passages multiples du plan naturaliste dans le plan symboliste
On l’a décrit plus haut!

Le canari
On est de plein pied dans du symbolisme avec un petit passage dans du naturalisme
Une petite dame à perdu son canari. Elle est désolée, inquiète et le cherche.
Assise dans la main du marionnettiste elle flotte dans l’espace de son inquiétude, regarde et appelle de droite et de gauche.
-Canari!… Où est mon canari?
Elle aperçoit le public, alors descend poser ses pieds sur la table (descend dans le plan naturaliste) et s’adresse à lui.
-vous avez vu mon canari?… Non?
Comme il n’y a pas de résultat elle repart dans son flottement inquiet et sa recherche puis disparait

Le rêve avant l’école
Par un artifice de langage nous transformons « le plancher des vaches » en espace de rêve
Un enfant dort dans son lit.
Tout à coup il s’élève de son lit (en commençant par les pieds(3)) et se pose de nouveau sur le sol. Mais ce n’est plus le sol de sa vie « réelle » (Il peut y faire quelque chose qu’il ne pourrait pas faire dans la vie réelle: un exploit d’équilibriste ou une rencontre d’un personnage fantastique, etc….)
On entend sa mère l’appeler.
Il fait à l’inverse le mouvement qu’il a fait pour partir en rêve et redescend  prendre sa place endormi dans son lit
On entend sa mère l’appeler de nouveau.
Il se réveille en sursaut… au naturel!

Le réveil du matin
Nous jouons ici avec des combinaisons des deux plans.
Nous reprenons de début de l’exercice précédent jusqu’au moment où l’enfant décolle de son lit (de la même façon). Cette fois il ne reprend pas pied sur le sol. Son rêve se développe dans l’espace au point de partir à la dérive hors scène i
Sa mère l’appelle. Elle arrive et ne le trouve pas dans son lit ni autour. Elle s’affole, ce qui s’exprime d’une façon symboliste par un décollage. Elle parcoure en flottant l’espace de la scène.
  Bebert…Bebert…
Le garçon réapparait en flottant.
Lui et sa mère se rencontrent dans le plan symboliste.
– Bebert, il est l’heure de te réveiller pour aller à l’école.
Il redescend dans son lit avec le mouvement inverse de son départ puis se réveille …au naturel!
Depuis là haut la mère l’a regardé descendre et se réveiller. C’est son attention de mère exprimée symboliquement qui lui permet ça. Puis elle vient reprendre pied à la tête du lit et les voilà revenu dans un jeu naturaliste.

La mouche
L’absurde peut aussi intervenir
Une petite fille entend une mouche. Elle la cherche du regard puis la voit et la poursuit. Elle fini par l’attraper et gloup, la bouffe. Elle se mets elle même à vibrer avec un bruit de mouche et s’envole

Monsieur Lapousyè
C’est le dernier spectacle que j’ai mis en scène en Martinique.
Dans ce spectacle tout bouge.Il n’y a pas de lieu réaliste cohérent.
L’histoire est vue du point de vue de rêveur de Mr Lapousyé. Il flotte, une émotion le fait partir en morceaux, Il est recomposé avec des morceaux qui ne sont pas les siens, la fenêtre arrive quand il en a besoin pour établir un intérieur d’un coté et la rue de l’autre (mais ça n’est pas stable… ça peut changer!) et il renvoie la fenêtre quand il n’en a plus besoin.
Mr Lapousyé est naturaliste dans son aspect, les éléments de décor qui l’entourent aussi mais le contexte et les situations ne le sont pas.
C’est là un tissage d’élément symbolistes et d’éléments naturaliste.
Dans ce cas il est important de bien gérer les liaisons pour que le spectateur ne se perde pas.

Y aurait-il une espèce d’écriture scénique « automatique »(4) et poétique qui ne serait pas raisonnable, devant laquelle il faudrait s’en remettre à l’intuition, à une lecture ouverte sur les possibles, attentive à l’ensemble des références et des ambivalences, un « lire entre les lignes »? Là il faudrait lâcher nos habitudes de pensée et nos repères pour s’aventurer dans un espace sylvestre (5) où se mêlent peur et émerveillement

NOTES

(1) Bien sûr on retrouve des symboles partout. Les panneaux de signalisation, le sens du bal et de l’écriture, l’alphabet et les chiffres. Même le jeu de marionnette, s’il simule le réalisme ( étant une « reconstruction de langage » et non pas un copié collé) est une organisation de symboles, de signes, car il est langage.

(2)(comprendre c’est faire partie. Si je ne fais pas partie je me désintéresse, je m’écarte. Ça ne me concerne pas. Si je suis spectateur c’est là que mon attention s’évade de ce qu’on me propose)

(3)( ex: un personnage s’endort, mais comment peut il donner à entendre qu’il passe dans un jeu symboliste si un personnage qui dort  reste normalement allongé dans son lit . Pourtant on veut raconter par du jeu ce qui se passe dans son rêve? La question est interessante. Il faut inventer une façon de faire qui fasse sens pour celui qui regarde. Nous avons donc trouvé que s’il se met à léviter en commençant par les pieds. Cette façon ne correspond à rien de naturel et nous l’extrayons ainsi de son « enveloppe » de sommeil.

(4)Pour moi l’écriture automatique n’est pas une accumulation gratuite( de mots quand il s’agit d’un texte, d’images et de situations quand il s’agit de jeu) mais une écriture qui révèle un « autre coté du monde ». C’est une écriture inspirée qui se justifie par sa faculté de provoquer un écho, un partage d’échos entre celui qui écrit et compose et celui qui lit, écoute ou regarde.

(5) la forêt est souvent le lieu où l’on perd notre rationalité pour avoir des aventures intérieures ou fantastiques. C’est l’espace de danger et de rencontres surnaturelles des contes. C’est aussi l’endroit où l’on peut se perdre.